Départ en taxi-brousse pour Betroka, direction le grand sud. La visite des trois dernières Communautés (Jangany, Ranotsara et Ranohira) m’obligeait à revenir à chaque fois au point de départ, aucune route ne les reliait entre elles. C’est 120 km de piste en mauvais état, mais le coût du voyage, converti en euros, est bon marché et le maquillage de poussière est gratuit ! La famine se ressent déjà au bord de la piste, des vieillards au corps décharné tendent le bras. Usés par le travail et le poids des années, ces femmes et ces hommes n’ont pas d’assurances sociales et n’ont absolument aucun revenu. Une obole leur permettra de survivre encore quelques temps, mais quelles souffrances que de constater leur tragique destin.
La Communauté des Sœurs Filles de la Charité possède quelques petites rizières et du terrain agricole. Ce sont des terres fertiles me confirme Sœur Honorine, responsable du Centre, mais l’eau manque cruellement et les récoltes sont misérables. De plus, les gens ont faim et certains volent le peu que le sol asséché produit. Après ces trois dernières années quasiment sans pluie, Sœur Honorine espère une bonne pluviométrie dès octobre prochain, le temps des semailles. Elle demande de prier pour tous ces pauvres qui souffrent de la faim et pour éviter l’escalade de la violence provoquée par la famine. La Communauté fait tout son possible pour aider les enfants pauvres à la cantine scolaire, pour aider les mendiants qui frappent à leurs portes, pour les malades, les prisonniers. Elle donne du travail aux plus démunis chaque fois que cela est possible.
Le Père Francisco qui œuvre ici avec deux autres Confrères se débrouille pour vivre avec le produit des quêtes toujours plus menues. Ici les prêtres n’ont pas de salaires. Les frais de déplacements comme d’autres dépenses sont à leurs charges. Ils officient dans trente petites paroisses, certaines situées à plus de 70 km, reliées par elles par des pistes dégradées.
L’utilisation des transports publics depuis Betroka s’avère difficile. En effet, Bekily est desservi un jour par semaine (pas le bon jour qui convient pour moi) et il n’y a pas de taxi-brousse partant de Betroka pour Beraketa, autre Communauté à visiter proche de Bekily. Le prix de location d’une moto est exorbitant et le porte-bagage n’est pas du tout adapté pour soutenir un sac rempli « du minimum vital ». La patience paye ; après sept heures d’attente, il y a une place libre dans un véhicule 4×4 de passage. C’est 145 km de piste défoncées ; il s’agit pourtant de la route nationale no 13, axe principal reliant le sud de l’île.
J’ai la chance de me rendre à Bekily avec le véhicule de la Communauté ; 51 km de piste en terre, fidèle à l’état de déprédation qu’on leur connaît ! Quatre religieuses œuvrent ici. Le travail ne manque pas, comme dans les autres Communautés. 880 élèves fréquentent l’école du Centre, 30 filles pauvres et éloignées de l’école résident à l’internat. Des tuberculeux, des lépreux demeurent ici pendant leur traitement ainsi que des vieillards affaiblis par la maladie. Les portes du dispensaire sont ouvertes à tous les malades, qu’importe la contenance de leur porte-monnaie. Un problème devra être résolu : l’eau du puits de la Communauté est salée. Lorsque l’eau publique manque, il faut aller la chercher dans la rivière polluée.
Beraketa, une petite bourgade sans électricité publique, sans réseau Wifi comme ses voisines Bekily et Betroka. La sécheresse perdure, la famine menace comme dans toute la région. Pourtant, quatre religieuses sont là, fidèles à leur promesse d’œuvrer auprès des pauvres. Les 540 élèves fréquentant les écoles de la Communauté ne reçoivent non seulement un enseignement de qualité reconnu depuis toujours, mais également une bonne éducation. 40 élèves demeurant loin dans la brousse profitent de tout le nécessaire à l’internat. Les malades viennent de loin au dispensaire, épuisés quelquefois après 3 jours de marche. Sœur Marie Noëline, infirmière diplômée expérimentée consulte, gratuitement, parfois de 08.00 h à 19.00, sans pause. Les plus démunis ne paient pas les médicaments. Elle n’hésite pas à héberger jusqu’à douze patients gravement malades au dispensaire, le temps qu’ils se rétablissent complètement.
Belle semaine et A+
François